2.7.06

Mille feuilles en mille-feuille glacé

Cueillir environ mille feuilles aromatiques de plantes telles que verveine, mélisse, menthe, basilic, aneth, romarin et marjolaine.
Faire d'abord un sorbet sucré au feuilles de thé vert et au citron : faire infuser une petite théière de thé vert, le verser dans une casserole en sucrant à votre goût et laisser bouillonner quelques instants. Verser dans un grand plat, de façon à obtenir une couche de moins d'une demi centimètre. Mélanger une bonne quantité des feuilles que vous avez cueillies, les plus petites en particulier, les autres coupées finement. Remuer pour qu'elles se disposent de façon régulière. Placez au congélateur et remuez péridiquement jusqu'à ce que le sorbet soit pris.
Les plus grandes (les belles feuilles de menthe et de basilic, par exemple) vont être glacées.
Préparer le glaçage de la façon suivante: mettre dans un bol un demi verre d'eau additionnée de jus de citron et y fouetter 150 g de sucre glace pour commencer, et peu à peu plus, jusqu'à obtenir une consistance bien nappante.
Napper les feuilles au pinceau et les mettre sur un plat à rafraîchir au réfrigérateur.
Lorsque la glace est prise, monter le mille-feuilles en alternant une petite cuiller de sorbet et une feuille glacée.

Dorian avait dit de s'amuser ! L'étonnant, c'est que c'est vraiment bon et surtout très rafraîchissant. Haleine fraîche garantie ! Une mignardise farfelue de plein été.
Mon appareil photo est au bord du collapsus - ça tombe mal! Excusez cette image floue comme tout, la seule qui soit visualisable, et qui hélas montre un petit mille-feuille déjà très fondu.

20.6.06

PINTADE LAQUEE A LA MELASSE DE GRENADE


Le fruit le plus poétique et le plus érotique de la Création : la grenade. Ses centaines d'arilles qui répandent un jus rouge frais et doux contiennent autant de graines. À la fois matrice et salut du voyageur assoiffé, il symbolise la vie sur les tapis persans. Dans le Cantique des Cantiques, l'aimée a "des joues comme des moitiés de pommes de grenade" et de nos jours encore, au Moyen-Orient, pour parler d'une maison pleine d'enfants, on la dit pleine "comme une grenade".

La pintade, elle, ahem, compte sans doute parmi les volatiles les moins poétiques et certainement les moins érotiques qui soient, ex aequo avec la dinde peut-être. Matez moi cette allure d'effarée : le petit oeil monomaniaque, le cou efflanqué, le menton rouge qui bloblotte, et les jupons en décapilotade. La grenade se marre langoureusement.



La recette est simple. Il faut juste prévoir un peu de temps pour la marinade, si possible, et surtout arroser régulièrement durant la cuisson.

Elle a longtemps mûri dans ma tête, après la lecture, d'abord, de ce billet alléchant et inspirant de Bénédict Beaugé et ensuite lorsque, dans une épicerie orientale, j'ai trouvé une bouteille de mélasse de grenade. On en déniche facilement, pour peu qu'on en connaisse l'existence. C'est un produit moyen-oriental très commun, particulièrement délicieux et peu onéreux. J'en fais aussi de vraies grenadines acidulées, en en mettant un fond dans un grand pichet d'eau fraîche, que je bois au litre dans les grandes chaleurs - wallah!, rien à voir avec les saletés qu'on vous vend sous le même nom ( - mais jamais elles n'entreront au Bistrot de Christine, ces eaux rosâtres au E098697608987786965843008736). (Ce doit aussi être fantastique comme base de sorbet - ou ne serait-ce que comme base d'esquimaux maison, dans ces moules Tupperware des mamies gâteaux).

J'ai pensé enfin à cet équilibre des saveurs dont j'ai appris en Palestine qu'il caractérisait les plats salés du pays: le contraste entre la saveur "acide" - hamuda - et la saveur "grasse" - dasama -. L'"acide" est juste acidulé et le "gras" ne dégouline pas de graisse : il s'agit plutôt de deux pôles de saveurs, dont le contraste marche bien. Les Palestiniens épicent plus volontiers avec ces notes acidulées qu'avec des saveurs pimentées : voyez le sumak qui titille dans le fattoush (Scalli donne la recette de cette salade fraîche aux bribes de pain, qu'elle a héritée d'un chauffeur de taxi) et dans le mussakhan. Pensez aussi à ce fromage frais aigrelet, le laban, qui contrecarre le fort mouton, dans le mansaff. Chez moi, la dinde apporte le dasama, et la mélasse de grenade, relayée par les grains de cassis dans la sauce, le hamuda.

Ingrédients

Une pintade
Une bouteille de mélasse de grenade
Quelques poignées de cassis
2 petits suisses ou l'équivalent de fromage frais
Des herbes qui se marient bien à ces saveurs fortes. J'ai utilisé, dans les produits de mes jardinières : plusieurs branches de marjolaine, d'estragon, de thym frais, une feuille de laurier et une de sauge
Un ou deux clous de girofle
Sel, poivre.

Pour l'accompagnement:
Boulghour complet (que vous trouverez aux mêmes endroits que votre mélasse de grenade).

Préparation

Préchauffer à four doux (thermostat 6, ou 160 degrés - pas plus chaud), si vous n'avez pas le temps de laisser mariner. Sinon, après quelques heures de marinade du poulet farci dans la mélasse de grenade.

Mélanger les 2 petits-suisse ou le fromage frais avec les herbes, les clous de girofle, sel et poivre. Farcir la pintade avec le mélange. Cette étape favorise la tendreté de la bête cuite - rien de plus triste qu'une pintade sèche, et c'est vite arrivé. La bête est en effet peu grasse et digeste, ce dont on lui sait justement gré, en été.

Badigeonner le poulet de mélasse de grenade, allongée d'un petit peu d'eau pour que le fond du plat contienne quelques millimètres de liquide. Saler et poivrer. Laisser mariner quelques heures si possible.

Enfourner en comptant 1/2 heure par 1/2 kilo (farce comprise).

Préparer un sirop épais de mélasse avec de l'eau, du sel et du poivre, et en arroser la pintade très régulièrement, pour qu'elle ne se dessèche pas et qu'elle se laque bien.

Faire cuire le boulghour dans une casserole d'eau bouillante salée en fin de cuisson de la pintade.

Sortir la bête cuite et laissez la reposer pendant que vous recueillez les jus et la farce et les mettez dans une petite casserole. Déglacer avec un peu d'eau ou de bouillon, ajouter les cassis et les faire éclater sous l'effet de la chaleur, et laisser un peu cuire. Assaisonner la sauce, et la mélanger avec le boulghour, pour obtenir un accompagnement parfumé.

C'est bon; c'est vraiment bon! Je suis toute fière de ma production et je rêve des matinées estivales où je la préparerai en prévision du service de midi dans mon bistrot.


Le dos rouge et bien laqué de la bête.

Crédits photos grenade explosée et pintade qui batifole : Wikipédia.

19.6.06

Une cérémonie du thé au bistrot


On m'explique que ce thé vert est fumé dans des batons de bambou à Kômèn, un village de la province de Phongsaly, entre Chine et Viêtnam, au Laos, à 1400 mètres d'altitude. Il y pousse des théiers plantés par les familles qui l'ont fondé, voilà sans doute 300 ans, après de longues pérégrinations au cours desquelles ces théiers les ont suivis. La forêt alentour est d'une rare beauté. Les théiers ne sont pas taillés. Les centenaires dépassent parfois six mètres de hauteur.

Ce thé de Kômèn a été préparé pour la 'Fleur de Badiane'. Cette fleur est une boutique amie, une rareté elle aussi, chaleureuse comme ce thé, à découvrir au 43, rue Servan dans le 11ème arrondissement de Paris.

Boire ce thé au parfum à la fois simple et précieux, fort, doux et fumé, comme les notes de fond d'un cacao puissant, c'est réinventer la cérémonie du thé. Même lorsqu'on ne connaît pas les règles qui la fixent, et même si ce n'est pas avec celui-là qu'elle se pratique. Peu importe. Choisir le bol qu'il lui faut, un bol fort comme lui, simple aussi. S'arrêter, regarder, penser à ses gestes. Humer. Se tenir droite, sans raideur, être juste là, partager ce moment.

Voici, en ce début de semaine (lourd, toujours un peu, n'est-ce pas?), quelques vers qui me touchent.


Lors de la cérémonie, ressentez
ce que vous manipulez
le léger comme s'il était lourd et le lourd
comme s'il était léger


Ils sont de Sen no Rikyu (1522-1591), un maître du thé. Je les tire de "Poèmes du thé", un petit recueil de vers choisis et traduits par Bertrand Petit, illustrés par Keiko Yokoyama. Éditions Alternatives, 2005.



14.6.06

Diable, du potimarron !


Notre vaillant Campanier nous fait parfois écarquiller les yeux : du potimarron comme légume de saison en plein mois de juin, ah bon?! Qu'à cela ne tienne, je vais refaire mon big success de l'automne dernier, j'ai nommé la (roulement de tambour) CONFITURE DE POTIMARRON AUX FRUITS SECS. Absolument à tomber raide, une des ces confitures qui vous tire du lit sans attendre, pour aller vider le pot avant votre conjoint ou vos petis gniards.

Avec le potimarron, on hésite entre son côté poti- et son côté -marron. Je trouve que lorsqu'on le cuisine version poti-, en soupes, purées salées, gratins, on y perd par rapport à un vrai potiron. En version sucrée, on peut tirer vers son côté -marron et là, ça devient intéressant. Dans cette confiture, vous avez quelque chose de bien moins sucré et de plus léger que la crème de marron, beaucoup plus fruité, et agréablement épicé aussi. Bref, je vous la recommande, mes chers Campaniérophiles, vous m'en direz des nouvelles.

Vous trouverez la recette, que j'ai donc testée avec bonheur, ici.

13.6.06

ANTIPASTO DU JOUR AU BISTROT : Artichauts à la Juive ("Carciofi Alla Giudia," dans le texte)



... ou artichauts à la romaine, c'est la même chose : une très ancienne recette juive romaine. Un excellent antipasto froid.

Il faut : de petits artichauts, du citron, de la menthe et de la sauge, de l'ail, quelques cuillers d'huile d'olive (une bonne par artichaut), du vin blanc sec (un verre pour 4 artichauts) et de l'eau. Et du sel, du poivre, bien sûr.

Trouver de petits artichauts, ceux du centre de la plante. Ôter le pied, une bonne partie des feuilles dures du bas et couper au couteau le haut des feuilles restantes. Y aller carrément, à moins d'avoir de tout petits artichauts très tendres. Ecarter les feuilles comme une fleur qui s'ouvre et ôter le foin. Citronner les artichauts. Faire chauffer l'huile d'olive dans une cocotte et y faire bien griller les artichauts, pied en haut, pendant 10 minutes. Les ôter de la cocotte et les laisser un peu refroidir de façon à pouvoir les manipuler.
Faire une pâte avec des feuilles de menthe, de sauge et de l'ail haché. La mettre à la place du foin et un peu entre les feuilles.
Remettre les artichauts ainsi farcis dans la cocotte en y versant les liquides, jusqu'à ce que les artichauts y soient à demi immergés. Laisser cuire d'abord avec un couvercle pendant un gros quart d'heure puis à découvert jusqu'à ce qu'il ne reste pas beaucoup de jus.

Il y a des pignons de pin sur la photo - c'était un essai non concluant. La cuisson dans le mouillé ne leur vaut rien. Tenez vous en à la ricetta tradizionale.

J'en profite... Gracianne, où en est ta sauge? Avec ces chaleurs, elle doit être enfin à point pour que tu fasses les saltimbocca alla romana promises, recette à l'appui ??? (Pas du tout juives alors, en revanche, celles-là, puisqu'elles mêlent viande et fromage, à moins que ta recette ne soit sans fromage). Dimanche prochain ??? S'il te plaaaaaaaaaaît, Gracianne ???

12.6.06

Le petit chat est parti


Depuis une semaine, cette affiche (100% authentique) fleurit partout dans mon quartier, et moi, je me gondole de la Poste au Franprix en passant par la boulangerie à chaque fois que je la vois. Je soupçonne le chat susmentionné d'avoir trouvé refuge chez une chouette mémé qui lui sert son Whiskas en le grattant derrière les oreilles, et chez qui il s'appelle enfin "Minet", comme tout le monde.
Bref, j'ai fauché un exemplaire de l'affichette pour l'ajouter à ma collection (oui, c'est mal, mais c'est pour le "mur d'affiches" du futur bistrot).

5.6.06

Le fait de pouvoir griller une cibiche est-il consubstantiel à un vrai bistrot ?

Problème.

J'ai des vues sur un local à jolies potentialités bistrotiques, à un coin de rue pas loin de chez moi, dans le 11ème arrondissement de Paris. Je n'en dis pas plus à ce stade embryonnaire.

Que faire? Vue la disposition des lieux, ce serait parfaitement dénué de sens, ou juste hypocrite, de partager entre un coin non fumeur et un coin fumeur. Je n'aime pas l'idée que ce soit tout fumeur comme dans la plupart des bistrots de Paris, qui se contrefichent comme de la première culotte du patron ou de la patronne de la loi sur la tabagie dans les lieux publics. Il y a une loi, mais nulle part à Paris elle n'est appliquée. Je ne sais pas si c'est comme ça dans les autres villes françaises. Ici, ça me scie à chaque nouveau bistrot que je fréquente. Les bistrotiers doivent-ils alors payer des amendes, dont ils préfèrent s'acquitter plutôt que d'appliquer la loi? Ou bien personne ne leur met-il des amendes? Comment ça marche, tout ça... J'aimerais bien le savoir.

Il y a naturellement une raison commerciale à la désinvolture des bistrotiers parisiens. Un bistrot sans fumée ne met pas à l'aise les fumeurs pour leur verre, leur café, leur déjeuner, et la plupart des gens qui vont au bistrot fument. C'est ce que je remarque dans les bistrots que je fréquente. Du coup, les mécontents n'ont qu'à aller siroter une verveine avec les mamies au salon de thé. Déprime ! Même si moi, je ne fume pas, je veux pouvoir aller dans un vrai bistrot, donc je me coltine les fumeurs. Et pareil pour les autres non fumeurs qui peuplent les lieux enfumés de la capitale, invariablement plus drôles et sympathiques que les autres, hélas. Vous pouvez dire, yaka, y a qu'à en faire un de sympa qui soit non fumeur, mais vous voyez bien que ce n'est pas évident, qu'il y a une culture bistrotique et des habitudes, et qu'un lieu non fumeur a peu de chances de tomber dans l'imagination des gens sous la catégorie bistrot, ou café, comme vous voulez le nommer.

Cette question de la fumée est un vrai souci pour moi. Les bistrotiers parisiens laissent fumer partout en se disant qu'ils perdent des clients autrement. Mais ne gagneraient-ils pas aussi des clients attirés par un vrai bistrot sympa, avec bonnes bières et compagnie, sans la fumée? Est-ce qu'on peut créer cette bonne ambiance bistrotique en bannissant la fumée? Ca n'a rien d'évident et me rend réellement perplexe, partagée entre mon peu d'envie d'inhaler du tabac à longueur de journée, et mon amour du vrai bistrot, de ses clients, des bons moments qu'il offre.

Je pose la question: est-il consubstantiel à un vrai bistrot qu'il y ait un endroit où y fumer? Si je pouvais, je ferai écrire une dissertation à mes étudiants sur ce vrai sujet philosophique... Enfin des copies que ça me botterait de corriger! Les institutions éducatives étant ce qu'elles sont, je vous la pose à vous.